Route N°1 , janvier 1992




Le récit de l'arrivée d'un jeune touriste à Nha Trang...un soir de janvier 1992. Un premier contact insolite.


 

Commentaires de nhatrang.online.fr

1992, c'est à peine 3 ans après la proclamation de la nouvelle politique de changement (doi moi) proclamée par les autorités de Hanoi. A cet époque, en dehors des circuits organisés, rares étaient les touristes individuels prêts à s'aventurer dans un pays dont on ne savait pas grand chose après 30 années de fermeture quasi hermétique: le premier guide de voyage paru (en anglais) était le Lonely Planet en 1991. Outre le visa, il fallait un permis spécial pour circuler. Pas de taxi, pas de bus pour touristes...

Minuit trente.

Dans le brouhaha, je crois entendre quelqu'un crier «Nya Tchane, Nya Tchane». Mais je ne suis pas sur. Je vois les regards se tourner vers moi, puis mon voisin lui aussi dit «Nya Tchane». Oui c'est bien ça, ils veulent dire Nha Trang. Et c'est bien à moi qu'il s'adresse, celui qui fait des grands signes, là bas, tout au fond. J'essaie de me lever.Il m'aperçoit et crie de plus belle «Nya Tchane, mau len». Je ramasse mon gros sac, j'enjambe des corps, des paquets, je passe par dessus deux bébés, calés sur un balot. J'arrive jusqu'à la porte. Le bus repart dans un énorme grondement en laissant derrière lui un grand panache de fumée noire.



Au bout d'un lampadaire hors d'age, une ampoule éclaire faiblement ce qui resssemble à un carrefour. Quelques maisons alignées le long de la route, rideaux de fer fermés. Et personne. Alors , c'est ça, Nha Trang ?



Mais d'abord, où aller ? J'aperçois au loin un néon. Allons voir. J'ose les mots «cyclo, taxi». On me fait signe. Par là. Encore quelques pas jusqu'au prochain néon. «Cyclo ?» Une charmante demoiselle répond «where are you from ?». J'ignore la question. Plutôt que de lui expliquer d'où je viens viens, j'essaie de lui faire comprendre où je vais.. «Na Trangue...Nya Tchane». La deuxième fois est la bonne. Elle m'indique la direction et ajoute dans un anglais incertain, «vous ne pouvez pas y aller à pied, c'est loin». Je ne comprends pas. Lorsque j'ai pris le bus ce matin à cinq heures, on m'a bien dit qu'il allait à Nha Trang. La jeune fille rentre dans sa maison puis en ressort avec une bicyclette. Ses yeux pétillent. Timidement, elle propose de m'emmener en ville. Je lui explique qu'à deux avec un sac de 15 kilos, c'est impossible. Elle va chercher un deuxième vélo. Sa mère arrive, puis sa soeur, puis son père. Ils discutent. Le ton monte. Finalement, toute triste, la demoiselle doit abandonner son projet. Une fille d'environ 18 ans , seule avec un blanc à une heure du matin....les parents ont tranché. Pas question ! Et voilà qu'ils sortent de la maison ...un cyclo. Et ils discutent encore. Un vieil homme est apparu, il s'en mèle. Puis la jeune fille me dit, en cachant ses larmes «il va vous emmener». J'en conclue que ce n'est pas si loin. Encore que pour 100 000 dongs, on peut en faire des kilomètres, c'est d'avantage que le prix du billet de bus Hué-Nha Trang. Et nous voilà partis.



Sur une route déserte, dans l'obscurité totale . Le vieux allume de temps à autre une lampe torche pour deviner la route ou se signaler lorsqu'il entend un bruit de moteur. Il pédale, lentement, à son rythme, et sans faiblir. On entend des bruissements dans les fourrés. Je m'assoupis. Après 19 heures passés dans un bus bondé, par plus de 30 degrés, et avec pour seul répit deux pauses de quinze minutes, le cyclo me semble être d'un confort immense. Le cyclo glisse dans la nuit, sans un bruit. Un ciel clair, décoré d'une multitude d'étoiles. C'est un moment magique, inoubliable.



Puis nous entrons dans la ville. C'est donc ici. Le vieux continue, imperturbable. Enfin, je sens une légère brise et j'entends les vagues se poser délicatement sur la plage. Le vieux s'arrête devant un hôtel. Il est fermé. On repart. Un deuxième hôtel, fermé . Un troisième , complet. Le réceptionniste dit qu'à cette heure, la plupart des hôtels sont fermés et que tous les hôtels de bord de mer affichent complet. Il suggère une adresse. Le vieux s'enfonce dans la ville et me mêne à l'endroit indiqué. Un hôtel dont les lumières commencent à s'éteindre une à une. Je saute du cyclo. Derrière la réception, trois garçons, torse nu. Je demande s'il y a une chambre de disponible. Le premier me donne une clé, le second enfile un t shirt, le troisième enlève son pantalon.. Il est environ une heure trente du matin.. Les garçons verrouillent les portes et installent des lits de camps. Ils se préparent à entamer une nuit de sommeil bien méritée.



Deux années plus tard, de passage à Nha Trang, je découvrirais enfin l'endroit où le bus Hué/Saigon m'avait largué, une nuit de janvier 1992. C'était l'intersection de la route N°1 Hanoi/Saigon et de la bretelle d'accès à la ville. Le vieux avait donc quitté en pleine nuit les faubourgs de Dienh Khanh pour me mener à Nha Trang, située à....12 kilomètres de là. J'ai rétrospectivement frémi à l'idée qui'l avait dû être de retour chez lui sur le coup de trois heures du matin après 25 kilomètres de course.









Source : Xavier - copyright nhatrang.online.fr - 2002






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